Ce 1er janvier 2013, une nouvelle loi entre en vigueur : elle s’attaque à la nature des relations de travail et vise plus précisément à prévenir le phénomène des faux indépendants dans certains secteurs économiques.
Contrat d’entreprise ou contrat de travail ?
Dans un contrat d’entreprise, un indépendant s’engage vis-à-vis d’une entreprise à effectuer un travail déterminé pour un prix déterminé. Dans un contrat de travail, un travailleur s’engage à fournir un travail contre rémunération sous l’autorité d’un employeur. La différence entre les deux types de contrats se situe dans l’existence ou non d’un lien de subordination : si le travail s’effectue sous l’autorité de l’employeur, il s’agit d’un contrat de travail.
Principe de la loi
A la base, la loi programme du 27 décembre 2006 permet qu’en cas de mise en doute de la nature du contrat (de travail ou d’entreprise), ce n’est plus à l’administration d’en apporter la preuve, mais c’est l’employeur ou l’indépendant visé qui doit prouver que l’administration se trompe.
Ce mécanisme ne s’applique pas aux relations de travail familiales suivantes :
- Relations de travail entre des parents et des alliés jusqu’au troisième degré inclus et entre des cohabitants légaux ;
- Relations de travail entre une société et une personne physique lorsque celle-ci est un parent ou un allié jusqu’au troisième degré inclus ou un cohabitant légal de l’actionnaire unique de la société ou des actionnaires qui ensemble détiennent plus de 50% des actions.
Afin de requalifier la nature du contrat, l’administration se base sur deux types de critères : généraux et spécifiques.
Les critères généraux sont :
- La volonté des parties : il faut que l’employeur et le travailleur se comportent dans les faits de manière conforme à la qualification de leur relation.
- La liberté d’organiser librement ou non son temps de travail.
- La liberté d’organiser librement ou non son travail.
Ces deux critères de liberté découlent de manière directe de l’existence ou non d’un lien de subordination. Si le travailleur ne doit pas justifier l’utilisation de son temps de travail, s’il est libre de travailler le nombre d’heures de son choix ou de fixer les dates de ses congés, il s’agit vraisemblablement d’un indépendant.
- Le contrôle hiérarchique : le fait que l’employeur puisse exercer un contrôle sur le travail de l’indépendant implique un lien de subordination et donc une remise en question du contrat d’entreprise.
La nouveauté réside dans la loi du 25 août 2012, qui complète la loi-programme, en visant précisément quatre secteurs économiques et en énumérant les critères spécifiques pouvant être utilisés en plus des quatre critères généraux ci-dessus.
Secteurs économiques visés
Actuellement, il s’agit :
- Du secteur de la construction : tout travail immobilier tel que la construction, la transformation, l’achèvement, l’aménagement, la réparation, l’entretien, le nettoyage et la démolition de tout ou partie d’un immeuble, ainsi que la fourniture et le placement d’un bien meuble dans un immeuble ;
- Du secteur de la surveillance et des services de gardes ;
- Du secteur du transport, à l’exception des services d’ambulance et du transport de personnes handicapées ;
- Du secteur du nettoyage.
Critères spécifiques
Si au moins 5 des critères suivants sont remplis, la relation de travail entre un indépendant et son employeur peut être requalifiée en contrat de travail : l’indépendant est alors considéré comme un travailleur salarié.
- L’indépendant ne prend pas de risque financier ou économique, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’investissement personnel et substantiel dans l’entreprise avec du capital propre ni de participation personnelle et substantielle dans les gains et les pertes de l’entreprise.
- L’indépendant n’a pas de responsabilité ni de pouvoir de décision dans les moyens financiers de l’entreprise.
- Il n’a pas de pouvoir de décision concernant la politique d’achat de l’entreprise.
- Il n’a pas de pouvoir de décision concernant les tarifs de l’entreprise (exception : les prix sont légalement fixés).
- Il n’a pas d’obligation de résultat.
- Il dispose d’une garantie de paiement d’une rémunération fixe.
- Il n’est pas responsable du recrutement du personnel ou n’a pas la possibilité d’engager ou de se faire remplacer.
- Vis-à-vis des tiers, il n’apparaît pas comme un indépendant ou il travaille principalement ou habituellement avec un seul cocontractant.
- Il travaille dans des locaux et/ou avec du matériel appartenant à l’employeur ou mis à disposition par l’employeur.
La loi de 2012, entrée en vigueur le 1er janvier 2013, facilite donc la possibilité pour un inspecteur social de requalifier un contrat d’entreprise en contrat de travail.
Quelles sont les conséquences d’une requalification ?
C’est en fait l’employeur qui subira les sanctions au niveau social et pénal. Il devra entre autres payer les cotisations sociales patronales, celles du travailleur ainsi que les majorations et intérêts de retard (le délai pour le calcul des cotisations peut remonter jusqu’à la date de signature du contrat). De plus, le travailleur pourrait obtenir de l’employeur le paiement d’arriérés de pécules de vacances ainsi que de primes de fin d’année ; s’il porte l’affaire devant le tribunal du travail, il peut également obtenir le paiement de dommages et intérêts.
Conclusion
A l’heure actuelle, seuls certains secteurs d’activité sont précisément visés par la nouvelle loi. Cependant, ces secteurs peuvent être étendus par arrêté royal et les critères peuvent également être adaptés pour chaque secteur. Au vu des critères énumérés ci-avant, il apparaît difficile pour l’indépendant et l’employeur qui verraient leur contrat requalifié, d’apporter la preuve de la nature « indépendante » de leur relation de travail. La prudence est donc de mise, que ce soit pour les contrats existants ou les futurs contrats.
Caroline Paheau – Assistante Conseiller Pme